De gigantesques colonies de reproduction de poissons découvertes en Méditerranée

Chaque année, au large du Cap Corse, les Spicara smaris, petits poissons de 20 cm connus sous le nom de picarels, se rassemblent en colonies lors de la période de reproduction. Grâce à leur nageoire caudale, ils creusent dans les fonds meubles des sortes de cuvettes dans lesquelles les femelles viennent pondre.

Cette stratégie particulière de reproduction, rare chez les poissons marins, était connue des pêcheurs locaux mais n’avait jamais été étudiée. En 2022, suite à la découverte fortuite de 15 colonies géantes de picarels entre 37 et 50 m de profondeur dans l’un des herbiers de posidonies les plus vierges de la Méditerranée, Andromède Océanologie et l’Université de Montpellier ont lancé, avec le soutien de la Fondation Iris, la mission scientifique SPICARA afin de mieux comprendre ce phénomène.

Les résultats de cette mission ont fait l’objet d’une publication en septembre 2024 dans la revue Current Biology. Ils mettent en évidence la présence de plus de 18 millions de nids sur une surface de plus de 134,6 ha. Chaque nid, gardé par un mâle, mesure 55 cm de diamètre en moyenne, soit une densité de 2,6 nids par m2. Les chercheurs se sont appuyés sur différents outils pour décrire ces colonies : sonar pour l’étendue, photogrammétrie pour les dimensions et la densité, plongée et enregistrement vidéo pour les comportements et la faune associée.

Outre la taille importante de ces colonies de reproduction, cette étude met en lumière leur rôle écologique conséquent, sous-estimé jusqu’à présent. Ces colonies attirent en effet de nombreux prédateurs, y compris des espèces en danger critique d’extinction comme le requin ange (Squatina squatina), qui se nourrissent des œufs et des adultes. Ce phénomène pourrait être aussi important que le Sardin run, la remontée des sardines en Afrique du Sud !

Ces résultats nécessitent des études plus approfondies et justifient une meilleure protection de la zone (gestion de la pêche, ancrage des bateaux), afin d’assurer la conservation des espèces menacées qui y vivent.

Photo : Laurent Ballesta

 

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