Au sud du Botswana, le « KD2 » est une vaste étendue sauvage non clôturée de 6 500 km² jouxtant le parc transfrontalier de Kgalagadi où sont localisés plusieurs corridors migratoires. Riche d’un écosystème unique, elle est l’une des dernières zones entièrement sauvage et préservée d’Afrique. C’est ici que Régis Belleville et Arnaud Fleury de Terra Deserta Expeditions (lauréat de la bourse SEF-IRIS 2022) en collaboration avec la Fondation Tanate Sustainable Development, travaillent depuis l’automne 2022 à la mise en place d’un projet pilote d’éco-patrouilles à dromadaire, chargées de compter les espèces grâce à leurs empreintes.
Des mois de formation et d’entrainement
Plusieurs mois ont été nécessaires pour sélectionner, entraîner et former dromadaires et chameliers. A l’été 2023, les patrouilles ont pu effectuer leurs premières missions de terrain, augmentant progressivement les distances parcourues et les difficultés. Ces missions ont permis de vérifier que les pisteurs pouvaient mener à bien leur travail de reconnaissance et de comptage d’empreintes, même à dos de dromadaires. Ils ont ensuite été formés à l’utilisation d’un logiciel de comptage sur smartphone (Cybertracker), de systèmes de communication et de GPS.
A partir de janvier 2024, les premières patrouilles d’envergure ont pu être menées, notamment une mission exploratoire sur l’ensemble du KD2 et une mission complémentaire pour l’UICN de recensement de terriers du chat à pattes noires, un petit félin en danger. Pendant la saison sèche (mai à octobre), l’activité animale sur la zone est plus rare mais les pisteurs ont rencontré en bordure du parc Kgalagadi d’importants groupes d’ongulés et des lions. Ils ont pu recenser plusieurs centaines de traces par espèce de gros prédateurs (lions, léopards, guépards, lycaons, hyènes), d’ondulés (springboks, bubales, gnous, oryx, élans), d’animaux exceptionnels (pangolins) et des traces liées à l’activité humaine (vaches, chevaux, ânes, hommes, chiens).
Un projet au long cours
Lors de ces patrouilles d’entrainement, les empreintes et indices d’activé de braconnage ont fait l’objet d’un rapport au Department of Wildlife and National Parks et à l’ONG Kalahari Research and Conservation qui opère en tant que concessionnaire sur la zone.
La grande mission de comptage, prévue dans le cadre de la bourse SEF-IRIS, est prévue à l’été 2025. Elle doit contribuer à démontrer auprès des autorités l’efficacité de ces patrouilles et permettre de continuer à accumuler des données sur les mouvements de populations animales au sein du KD2. Si les résultats sont probants, ce type d’activité de pisteurs traditionnels combinés à des dromadaires pourrait être, dans le futur, utilisée dans d’autres zones du Sud Kalahari.
Cette mission devrait être facilitée sur le plan logistique par l’implantation, en début d’année 2025, d’une ferme de dromadaires en bordure de KD2. Le site, géré par Tanate Sustainable Development, doit abriter à terme un campement pour recevoir des volontaires et des scientifiques, une école de pistage, une ferme de plantes traditionnelles.